Logo du GFPH : Vague déferlante avec les lettres GFPH au dessus et insérées dans un cercle.

GROUPEMENT FRANÇAIS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Assemblée Française membre de l’Organisation Mondiale des Personnes Handicapées, OMPH/DPI

ANPIHM

Advocacy France


Rachel Hurst, Présidente de la Région Europe de l’OMPH  

Droits De La Personne

Londres 27-28 Avril 2009 

Appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées

Mesures législatives et bonnes pratiques

Regional Seminar for the 12+ Group



Mesdames et messieurs les Députés,


C’est un honneur de m’exprimer ainsi dans ce haut lieu de débats et de décisions et je vous remercie de m’avoir invité à vous présenter notre vision de la mise en œuvre de la CDPH.


Après 30 ans de mobilisation pour faire reconnaître nos droits, si nous pouvons nous réjouir d’avoir aujourd’hui obtenu les moyens politiques de leur application notre détermination reste plus forte que jamais. Au sortir du 20ème siècle, notre société Européenne et internationale vient en effet pour la première fois de son histoire de reconnaître des droits à une population naissante et croissante partout dans le monde, celle de personnes qui ont à trouver les moyens de leur autonomie avec une ou des restrictions de capacités, qu’elles soient dites «handicapées» ou «dépendantes», restreintes par le grand âge ou transformées par la chirurgie, affaiblies par la maladie, restées dans l’enfance, tombées pour toujours dans les puits de l’inconscience ou passées quelques jours dans les affres de l’accident … Nous le savons, le handicap n’est plus aujourd’hui ni une question de santé ni l’affaire d’une simple minorité mais une question sociale qui concerne l’ensemble de la population, et faire avancer aujourd’hui le droit des personnes handicapées c’est d’abord défendre et protéger les droits d’une part de plus en plus large de la population qui, temporairement ou durablement, connaît une réduction ou une transformation de son fonctionnement moteur, sensoriel ou psychique.


Il ne s’agit donc plus pour nous aujourd’hui de lutter pour la reconnaissance de nos droits mais de résister pour en exiger et en accompagner l’application. Il ne s’agit plus de convaincre mais d’éduquer, et pour engager de façon déterminante un processus d’application efficace des objectifs tracés par la CDPH la première étape qu’ont à franchir les États et Institutions Régionales qui l’ont ratifiée est maintenant l’élaboration de politiques de mise en œuvre sur la base d’états des lieux qui restent souvent à faire.


La première qualité à développer dans ce but est la modestie pour mieux reconnaître notre inexpérience comme l’évidence qu’elle est; jamais aucune société dans l’histoire n’a eu à conduire son développement avec une telle diversité de sa population associée à une telle exigence éthique pour une stricte égalité face à l’accès aux Droits Universels. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, hommes ou femmes, très jeunes ou très âgés, riches ou pauvres, en pleine efficience ou restreints dans leurs capacités, les êtres humains n’ont jamais été aussi nombreux tant en nombre qu’en diversité tout en jouissant des mêmes droits de circuler, de communiquer, d’accéder à une éducation, de choisir leur lieu de vie … quelques soient leurs capacités, qu’ils roulent au lieu de marcher, qu’ils lisent avec les doigts, qu’ils parlent avec les mains et entendent avec les yeux ou qu’ils restent murés dans les prisons de notre incompréhension


L’expérience collective de ce vivre ensemble quelles que soient ses capacités n’existe pas encore ou que de façon très embryonnaire, et il semble nécessaire si nous voulons collectivement relever avec succès les défis qui nous font face, d’identifier tout d’abord les sources de connaissance où pourront puiser nos sociétés pour répondre à leurs besoins. Mais si nous ne savons pas encore comment vivre ensemble, nous savons par contre apprendre les uns des autres et le temps semble maintenant venu pour nos sociétés d’écouter très attentivement et de mettre en valeur les expériences de celles et ceux elles dont elles ont trop longtemps ignorés les capacités.


Ce que chacun doit comprendre, c’est que les besoins collectifs sont aujourd’hui de plus en plus proches des nôtres, personnes handicapés, et que les solutions alternatives qui nous permettent ou nous permettront de surmonter les obstacles et de réduire les inégalités qui nous touchent, sont non seulement des réponses aux États en matière d’application de la CDPH mais aussi en de nombreuses occasions des améliorations du quotidien en terme de facilitation, d’ergonomie et d’une façon générale d’une harmonisation de l’environnement et des pratiques qui ouvre à tous les voies d’une expression plus libre de ses capacités et de ses talents.


Une politique de participation


Pour mettre cette expérience au service de la collectivité, nos sociétés ont besoin maintenant de politiques de participation pour que le «rien sur nous sans nous» qui nous a permis d’arriver à la question d’aujourd’hui puisse maintenant se prolonger dans un faire ensemble qu’il s’agit d’encourager, d’organiser et de financer. La participation dans l’égalité est-elle seulement le but à atteindre? C’est un question que je pose avec force, car nos organisations savent que la participation est aussi l’outil indispensable de toute mise en œuvre des principes identifiés, un principe qui ne prend sens que lorsqu’il est mis pratique.


Définir les objectifs,


Aujourd’hui notre slogan autant que le terme de participation sont souvent vidés de leurs sens, ils restent cantonnés au rang des principes et sont cités abondamment comme tels, mais dans la pratique ces principes n’ouvrent encore que rarement sur des programmes, des plans d’action ou de financements qui pourtant sont seuls à même de concrétiser notre action.


«Le vivre ensemble se fonde sur le faire ensemble». Ce précepte éducatif prend d’autant plus de sens que les suppositions sur la qualité de vie des personnes dites «handicapées» sont encore nombreuses et dommageables, que l’indignité de nos vies est plus liées aux barrières qui empêchent qu’aux déficiences qui obligent, et que l’autonomie ne se donne pas, qu’elle se désire, qu’elle se prend, s’apprend et se façonne dans la participation.


Identifier les étapes de réalisation


Après avoir reconnu la participation comme l’outil privilégié de cette mise en œuvre, il s’agit ensuite de construire une véritable politique de participation, de tracer les contours du principe et de sa mise en pratique. Cette participation soutenue des personnes handicapées est à percevoir comme une aide au démarrage et à la compréhension, une préparation de la société à l’inclusion familiale, sociale et professionnelle de chacun quelques soient ses capacités.


Définir les règles et les critères de la participation


Sur la base des définitions et des conceptions adoptées, l’élaboration et l’adoption des critères de la participation est ensuite l’outil qui permettra d’évaluer le caractère participatif ou non des actions menées en offrant les moyens d’une évaluation du nombre de personnes handicapées impliquées, d’une définition de leur statut et de la comparaison de leurs rétributions et de leur mission.


Ces règles de la participation permettront de mieux organiser la représentation des personnes handicapées pour que plus aucun débat, décision ou orientation qui les concerne ne soit mené sans leur participation effective, car en l’absence de telles règles notre représentation est effectuées seulement par ceux qui en ont le pouvoir, par ceux qui ne savent pas céder leur place, souvent au nom d’une plus grande efficacité supposée mais finalement contre productive. Un politique de participation soutiendrait une obligation d’œuvrer ensemble qui sans cela ne se concrétisera qu’en de trop peu occasions grâce à de trop rares citoyens éclairés par un proche handicapé qui participe à une part de leur vie.


Enfin, comme pour les Droits de l’Homme la déclinaison des principes de la CDPH ne nous apparaît pas pouvoir être tronçonnées pour en choisir les domaines d’applications en en excluant certains au nom de quelques raisons que ce soit. Le handicap ne connaît pas la raison et ne se choisit jamais, il se vit, s’apprivoise, et dans le meilleur des cas se domine, mais jamais seul. Nous avons besoin des uns et des autres et ce quelques soient nos capacités, c’est ce que nous avons appris de nos expériences du handicap. Quand une restriction de capacité fauche notre vie, ce sont vers ceux qui vivent avec ou malgré une restriction semblable que nous nous tournons nos sens, vers celles et ceux qui ont de l’expérience pour apprendre comment vivre avec ce qui nous manque et comment faire avec des capacités à réévaluer. Comme nous l’avons fait, nous invitons donc les états à se tourner vers celles et ceux qui ont appris à apprivoiser les contraintes de la vie avec une déficience pour s’enrichir de leurs connaissances et apprivoiser les situations qui leurs semblent impossibles. Exclure un domaine d’application particulier, c’est douter de soi et mettre en doute l’universalité des Droits de l’Homme, c’est envoyer un message de doute et faire croire qu’il est des moments et des activités d’où le Droit peut s’exclure. La France qui n’a pourtant pas encore ratifié la CDPH vient d’annoncer son plan handicap 2009-2010 pour les forces armées, et ici les anglais risquent de se faire distancer par les services de renseignements français quand ces derniers auront amélioré leur pratiques d’écoutes grâce au savoir des personnes sourdes qui savent lire sur les lèvres, ou quand leurs agents aveugles auront su apprendre à leurs collègues à comprendre les subtilités qui s’insinuent dans le ton des voix d’une conversation sur écoute.


Il ne s’agit plus de construire des «politiques du handicap» mais d’élaborer des projets de société susceptibles de produire de l’égalité pour tous, d’adopter des mesures qui valorisent et favorisent l’expression de tous les talents, tels ceux de Susan Boyle qui vient d’enchanter la planète entière par le simple son de sa voix.


Il ne pouvait y avoir plus beau message à l’humanité de la part d’une personne qui connaît des difficultés d’apprentissage depuis un accident d’oxygénation à sa naissance, car Susan Boyle sans le savoir vient de montrer au monde que derrière les millions de personnes dites «handicapées» existent des talents empêchés, contraints, oubliés ou rejetés que nous ne voulons ou ne savons pas voir, et qui pourtant sont capables d’enchanter des foules.


Vous ne l’avez certainement pas voulu Susan, mais demain, si vous l’acceptez, vous deviendrez aussi notre ambassadrice. Je vous en fait ici solennellement la demande au nom des millions de personnes effacées derrière leurs restrictions, au nom des millions de talents potentiels et de ressources que je voudrais que nous applaudissions ici comme nous vous avons applaudi, tant leurs contributions donnent à tous des occasions de s’élever.


Jean-Luc Simon

© GFPH 2023